j'ai oublié de revenir...

Passé le pont, les fantômes vinrent à sa rencontre.
(Murnau, Nosferatu)

Carnet de route en Algérie

 
 
 
 

En mai 2008 l’association M.A.V.I.S. (Médiation Aide aux Vieux Immigrés Seuls) organise avec le soutien du Ministère algérien de la Solidarité Nationale et le Conseil Général de Meurthe-et-Moselle, un voyage (premier du genre) où 13 vieux immigrés algériens retournent au pays après 10, 20, 30, voire 40 ans d’absence.
Ils retrouvent leurs familles perdues, leurs anciens amis, leur pays, leur ville…
L’un d’entre eux décide même de rester.
D’Alger à Oran, de Oran à Constantine, puis de Constantine à Alger, nos petits vieux tentent de renouer avec les souvenirs.

8 portraits parmi les 13 participants étaient prévus à notre retour de voyage.
Faute de financement, seuls 4 portraits furent finalement montés.
Il sont présentés ici sous leur forme brute, inachevée, non-étalonnée, non-mixée et non sous-titrée.
Mais la traduction en voix off utilisée pour le montage est bien présente !

 
 
 
 

j'ai oublié de revenir...   BAchir k. - 22 min 41

Portrait inachevé

Bachir K.
L’homme à la casquette.
Un râleur au grand cœur.

Bachir vit à Nancy avec sa femme tunisienne et sa fille. Il quitte l’Algérie peu après l’indépendance, en 1964.
Par hasard, notre pied-à-terre algérois est à Bir Khadem, une banlieue d’Alger : c’est sa ville de naissance ! Il retrouve une rue, une porte, un neveu… son frère !
Plus tard, il se livre : « Le père, il leur a laissé un nom !… Pourquoi ils ont oublié ce nom ?… Oublié moi ! Tous les autres, c’est bon ! Moi non ! Pourquoi ?!… C’est ce que je voudrais savoir… »
Il demeure préoccupé tout le reste du voyage.

Réalisation et montage : Gaël Massé
Image : Bouchra El Haoudi, Gaël Massé
Productions : Association Court Toujours, Conseil Général de Meurthe-et-Moselle

©Association COURT TOUJOURS – 2013

j'ai oublié de revenir...   ALI - 20 min

Portrait inachevé

Ali
Arrivée en France : 1959
Dernier séjour en Algérie : 1984

C’est un vieil homme malade que l’on visite avant le départ, dans son appartement nancéen.
24 années sans revoir sa terre et les siens !
Dès notre arrivée à Alger, sa fille, son fils et l’un de ses petits-fils, l’attendent à l’aéroport.
Ali décide de rester au pays avec sa famille. Il nous quitte dès le deuxième jour.

Réalisation et montage : Gaël Massé
Image : Bouchra El Haoudi, Gaël Massé
Productions : Association Court Toujours, Conseil Général de Meurthe-et-Moselle

 
 

©Association COURT TOUJOURS – 2013

j'ai oublié de revenir...   Bachir S. - 25 min

Portrait inachevé

Bachir S.
Arrivée en France : 1952
Dernier séjour en Algérie : 1976

Bachir n’est pas revenu depuis 32 ans. Il retrouve un fils qui travaille dans une grande société Algéroise, une fille qui vit près de Tarf. Puis tout le reste de la famille !
Nonchalant, hors du groupe, hors du temps, il est là, présent. La remarque toujours libertaire et la clope au bec : « Les drapeaux, là… les drapeaux y’en a partout-partout, même dans les maisons y’en a ! Sur chaque maison y’a un drapeau ! Ou deux, ou trois des fois ! Ça m’gêne pas, mais… trop c’est trop. »
Il raconte tout sans rien cacher : l’usine, l’alcool, ce mariage en Algérie dont il ne voulait pas vraiment, mais qu’il a assumé en envoyant de l’argent. Il découvre la maison que sa famille a construit avec ses sous. Il y est accueilli.
Dorénavant, sa place l’attend là-bas…

Réalisation et montage : Gaël Massé
Image : Bouchra El Haoudi, Gaël Massé
Productions : Association Court Toujours, Conseil Général de Meurthe-et-Moselle

©Association COURT TOUJOURS – 2013

j'ai oublié de revenir...   AMAR - 23 min

Portrait inachevé

Amar
Arrivée en France : 1956
Dernier séjour en Algérie : 1997

Les yeux mi-clos, la démarche lente et courbée, il traîne sa carrure de boxeur comme un fantôme. Amar ne parle pas, mais il est là, posé, présent.
Son entreprise de bâtiment a fait faillite, sa femme l’a quitté et il est devenu comme ça : effondré, apathique.
Les jours passants, on lui fait remarquer qu’il ressemble à Mike Tyson. Le sourire revient. Son visage rayonne dans ces instants blagueurs.
A Sétif, il se rappelle le nom du quartier où habite sa belle mère. On demande, on nous indique… et là, soudain ! Amar Mike Tyson l’Apathique devient Carl Lewis ! Une énergie nouvelle l’envahit, il est happé !
Il arrive devant la porte, sonne, et se fait accueillir à bras ouverts ! Et puis nous repartons.
Après ce quart d’heure familial, il ne fut plus le même.

Réalisation et montage : Gaël Massé
Image : Bouchra El Haoudi, Gaël Massé
Productions : Association Court Toujours, Conseil Général de Meurthe-et-Moselle

 
 

©Association COURT TOUJOURS – 2013

Note d'intention

Un jour, mon téléphone sonne : « Un groupe de vieux algériens retournent au pays après 40 ans d’absence et il n’y a personne pour filmer ! Tu veux pas y aller, Gaël ? Départ la semaine prochaine ! »

C’est un beau thème… D’accord ! C’est parti !

Mais… au fait… j’ai réalisé plusieurs courts-métrages de fiction, mis en scène 3 spectacles, écris quelques textes pour les marionnettes, donné des cours de cinéma et de théâtre… mais je ne me suis jamais confronté au documentaire. Quel plaisir ! Commencer avec une aussi belle aventure humaine ! Filmer des personnes âgées… Leurs visages sont toujours des paysages qui portent une histoire.

Que faire : tout juste 4 petites journées de préparation…

En premier lieu : trouver quelqu’un pour m’accompagner, quelqu’un qui parle arabe et qui connaît le cinéma. J’avais participé avec Bouchra à différentes captations de concerts, elle travaillait comme assistante réalisatrice sur un documentaire, et je savais qu’elle aspirait à en réaliser. Je lui propose donc une collaboration pour construire un film autour de ce voyage. Elle accepte. Nous décollons quelques jours plus tard, chacun une caméra à la main et des rêves de films plein la tête…

Étant donnée l’urgence avec laquelle nous entrons dans cette aventure, la structure du film nous apparaît comme une évidence : un carnet de bord et 14 portraits. Nous abordons cependant les premiers jours de tournage avec un doute : faut-il traiter nos images comme un reportage ou comme un documentaire de création ? Très rapidement, notre attachement à ces personnages naturels et émouvants, nous implique personnellement. Ce groupe improbable vit devant nous une expérience humaine puissante et éprouvante et la subjectivité qui en découle nous impose le choix de la création.

Les personnes âgées, elles, imposent au film qu’il s’adapte à leur rythme : nos héros cherchent leurs phrases, prennent le temps de raconter, de faire un geste, un déplacement… et leur espace-temps est en parfaite opposition avec le rythme qu’impose le voyage. Ce décalage donne aux images une dimension tragi-comique qui pourrait s’apparenter aux univers de l’émission Strip-Tease.

Gaël Massé

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