Gaël Massé

Les premiers symptômes ont commencé très tôt chez Gaël : tombé dès son arrivée sur Terre dans la marmite parentale de la Compagnie 4 Litres 12, il tète tout de suite du théâtre et biberonne de l’absurde teinté de burlesque.
Le chemin de l’école se transformait en aventure en terre de Mordor, le jardin de la maison en domaine assiégé par des armées de lutins, le gendarme était un shérif, la voiture une diligence attaquée, les jolies filles des prisonnières du désert qu’il fallait soustraire aux Sioux. « Tu racontes n’importe quoi » lui disaient les grincheux. « Tu as trop d’imagination » ajoutaient les instituteurs atrabilaires.
Heureusement Gaël fit rapidement la connaissance de Molière, Prévert, Chaplin, Fritz Lang, John Ford, Fellini et tant d’autres… Ils devinrent ses amis intimes et lui présentèrent plusieurs de leurs amis. Gaël comprit alors que ce n’était pas « n’importe quoi ». Que bien d’autres avant lui avaient connu les mêmes symptômes et certains en avaient même fait un métier à part entière.

C’est parti pour le cinéma : il est reçu à Nancy la deuxième année des premiers « Bac audio-visuel », puis file à l’Université Paris VIII de Saint-Denis pour un DEUG de cinéma. C’était les années 90 : la pellicule régnait et la vidéo analogique poussait déjà ses derniers soupirs… Gaël, pressé, crée en 1997 l’Association Court Toujours pour produire et réaliser ses premiers courts métrages : Sérial Curé (tourné en 16mm, il sera monté en douce de nuit sur le premier banc de montage numérique en France : la vidéo est définitivement morte), La Tournée du Facteur, Orgie…

Mais pourquoi se contenter d’un seul rôle dans cette magnifique machinerie de l’imaginaire ? La Compagnie 4 Litres 12 et Philippe Dormoy de l’Ecole du Samovar ne s’étaient-ils pas penchés sur son berceau ? Gaël devient metteur en scène. Les symptômes, toujours eux, donnent naissance à plusieurs spectacles de marionnettes : L’histoire du Soldat en 2001 et Le Papalagui en 2008, avec Mélanie Devoldère et la compagnie naissante des Singes Hurleurs.
En parallèle, il participe comme assistant aux derniers spectacles de 4 Litres 12.
Mais les symptômes le reprennent et Gaël s’attaque à la danse en 2005 avec 2587 gestes jetés du Drame de la Vie au festival Les Nourritures Novarina.
Et la bataille n’est pas finie ! En 2012, avec une petite armée d’acteurs et de musiciens, il prend d’assaut l’opéra et ensanglante la scène d’un Renard de Stravinsky façon match de boxe avec l’Ensemble Musical du Balcon, pour la clôture des Folles journées de Nantes.

En 2012 toujours, l’aventure du cinéma reprend avec Balade médiévale ! Une fresque de 50 minutes en costumes, autoproduite ! Tout de même !
Mais les symptômes le reprennent vite et c’est naturellement la plume qui démange maintenant Gaël. Il écrit. Il écrit des contes pour enfants, des scénarios, puis des pièces de marionnettes pour plusieurs compagnies : Le Grand Manipule, Délit de façade, La Controverse, Les Singes hurleurs…
Le soldat Antoine, écrit pour les compagnies Mémoires d’Avenir et Les Singes Hurleurs, est créé à Tanger en novembre 2014, publié dans la foulée à la  Librairie des Colonnes Éditions, et enfin joué en France en 2017 dans une version réduite, mis en scène par Gaël et Mélanie, notamment sélectionné dans le IN du Festival International des Art de la Marionnettes de Charleville.

Devinez quoi : Le Mordor n’a pas été vaincu ! Les lutins viennent de reprendre les hostilités. Les gendarmes n’ont pas trouvé leur étoile et plusieurs Nathalie Wood ont été signalées dans le désert. Gaël a encore du pain sur la planche et de l’imaginaire sous le capot. Accrochez-vous bien !

Benoît Christal
Paris, Mars 2020
en plein confinement…