Chansons

et autres textes à dire… en musiques ?

Commande de Valérie Vinci :  3 chansons d’amour tristes

 
 

LE REQUIEM
DES CHRYSANTHEMES

 
 

Deux cognacs, j’ai p’us l’trac, j’vide mon sac !

T’as pas tort, Victor,
Tu vois la vie qui passe et ça te tracasse :
« Mais c’est quoi cette impasse ?
Où c’est qu’on laisse une trace
dans tout cet espace ? »
C’est vrai qu’le monde est moche.
Toujours un truc qui cloche.
Mais moi, j’redoute tes doutes.
Elle m’outre ta mélasse.
Le temps passe, le temps passe et moi je me lasse.

C’est pas qu’j’t’aime, c’est pas qu’j’t’aime,
C’est pas qu’j’t’aime pas, Victor,
Mais t’es fort pour chanter l’requiem des chrysanthèmes.

T’as p’têt’ tort, Victor,
A trop penser la mort, tu laisses passer l’amour.
Alors viens mon amour, faisons l’amour à mort !
Tu peux pas comme toujours, tu dors, t’es déjà mort.
Le temps passe, le temps passe et moi je me lasse.

C’est pas qu’j’t’aime, C’est pas qu’j’t’aime,
C’est pas qu’j’t’aime pas, Victor,
Mais t’as tort de chanter l’requiem des chrysanthèmes.

T’as eu tort, Victor :
C’est le temps qui passe qui nous trépasse.
Moi j’ai pas l’temps, faut qu’ça trace !
Quand ça passe plus, ça casse.
Allez, vas-y, toi, Chasse !
Tue l’néant !
Et laisse une chance à l’insouciance !
Moi j’veux une transe d’idéal !
J’veux mettre mon âme à poil !
Et j’veux d’la joie dans mes combats !
J’veux pouvoir voir l’espoir !
Et j’veux y croire, à la victoire !
Le temps passe, le temps passe et moi je me lasse.

 
 

C’est pas qu’j’t’aime, c’est pas qu’j’t’aime,
C’est pas qu’j’t’aime pas, Victor,
J’ai p’têt’ tort, c’est mon tour,
J’vais t’chanter l’requiem des chrysanthèmes.

T’es en tort, Victor.
Tu n’regardes plus mon cœur
Et c’est ça qui m’écœure
T’es l’croquemort de l’amour,
L’fossoyeur du bonheur.
Pas qu’la mort dans la vie.
T’es déjà tout aigri.
Toi t’ignores le joli.
T’as l’drapeau noir en berne,
Les couleurs qui déteignent.
Moi j’veux du noir brillant !
Et j’veux qu’ça vole aux vents !
J’veux qu’ça pète,
J’veux qu’ça casse !
J’veux qu’ça jette,
J’veux qu’ça valse !
Le temps passe, le temps passe et moi je me lasse…

C’est pas qu’j’t’aime, c’est pas qu’j’t’aime,
C’est pas qu’j’t’aime pas, Victor,
Mais je t’aime, mais je t’aime,
mais je t’aime plus, Victor.
Fait un effort…
Tu comprends pas ?
T’es con, prend ça !
Moi j’vais chanter l’hymne à l’amour !

LE BAISE-EN-VILLE

 
 

Depuis toute petite,
Un mot qui m’habite,
Un mot qui m’intrigue,
C’est le baise-en-ville.
Moi ce mot m’excite,
Il me biaise dans l’mille.

Sac à main disait ma mère.
Oh, mon dieu, quelle pudeur !
Sac de voyage dit P’tit Robert.
Ah, quel voyage ! Oh, bonne mère !
Y faut pas croire, j’lis l’dictionnaire.
Date de 34, un mot comme ça.
Une dure époque qui pue la guerre.
Crise de 29, Adolphe Hitler…

Et une petite gourgandine
Qui se dandine
Aux Capucines.
C’est moi Claudine
Avec mon baise-en-ville.
Mais pas un pez, quelle tuile !
Et ça ça pèse, dans l’deal…
Puisque j’découche,
Faut bien qu’je couche
En ville.

C’est une bonne,
Une vraie bonne,
Une bonne bonne,
Une bobonne,
Une bonniche
Qui fait des quiches
Pour les riches.
Son patron est très con.
Sa patronne est très kitsh.

Ce soir c’est samedi soir,
La bonne s’est fait la malle des combles.
Dans sa chambre de bonne, y’a pas un mâle qui gronde.

Elle a mis
dans son baise-en-ville :
Poudre de riz et pâte à cil,
Noir à mouche et rouge à moche.
Des mitaines assorties aux jarretelles.
Un corset trop serré, un chapeau d’emplumée et une robe adaptée.

Une culotte, pas d’culotte ?
C’est quoi l’mieux
Si elle baise, en ville ?
Panoplie infaillible
Garantie sur la Bible :
Fait péter un fusible.

La petite gourgandine
Se dandine aux Capucines.
C’est Claudine avec son baise-en-ville.
Mais pas un pez, quelle tuile !
Et ça ça pèse, dans l’deal…
Puisqu’elle découche,
Faut bien qu’elle couche
En ville.

ANNA N’A QU’A

 
 

Le cas d’Anna c’est
Le con d’Anna
Qu’Anna n’a pas.
L’est comme cadenacé,
L’Anna belle.
Mais le pire, Anna,
C’est qu’cette nana,
Elle bat le boa,
Tu vois, c’que j’vois ?…
Anna l’a l’âme ananas.
Si tu dis : « Ma princesse… » à Anna,
Anna t’aime.
Et tu montes Anna
Dans ses habits d’Anna mités.
Mais Anna sent rien.
Même le con biné, Anna n’a rien.
C’est sans Nirvana.
Même si t’enivres Anna,
Même si t’énerves Anna,
C’est l’Anna morose.
On condamna le con d’Anna
Car Anna n’a qu’à.
L’Anna pure n’a pas pu.
Et elle fana, la Rose Anna,
L’Anna qu’on damne.
Elle fana jusqu’au trépas.

Commande de Mao Sidibé, chanteur et compositeur sénégalais :
1 slam sur la préfecture de Bobigny et 1 chanson sur les mariages mixtes

LE PRÉFET PARFAIT

 
 

3 heures du mat’
3 fantômes traînent
Sur la dalle des que dalle…
Bobby somnole, un vieux le hèle :
– Salut mon frère ! Tu viens faire la queue de la misère ? Y disent qu’y peuvent pas accueillir la Terre entière ! Mais là c’est pas la Terre, là c’est juste moi ! Et toi, et lui, et elle. C’est nous, c’est tout. Je te le dis au cas où t’aurais pas compris : dans l’immigration choisie, tu choisis pas ton pays, c’est le pays qui te choisit. Et tant qu’il y aura des frontières sur Terre, y’a pas moyen : t’es citoyen sinon t’es rien. T’es citoyen de quelque part. Jamais de nulle part…
– Salut vieux père ! Moi c’est Bobby, dit de Bobigny et un jour mon père m’a dit :

 » Sans papier ni frontière, il faudra bien y venir,
Pour arrêter la guerre, pour éviter le pire.
Sans papier ni frontière c’est un bel avenir. « 

Citoyen du monde… pauvre. Citoyen du monde… pauvre. Citoyen du monde… pauvre.

4h00 du mat’,
40 corps mats
en vrac
sur la dalle des que dalle.

Il est 5 heures.
Bobigny s’éveille et Paris dort encore.
Bobby science aux conseils de sa sœur :
 » Si tu veux tes papiers dans les meilleurs délais :
C’est d’abord une journée pour te renseigner,
Et puis une journée pour prendre un ticket,
Et puis une journée pour prendre un dossier,
Et puis une journée pour rendre un dossier,
Et puis une journée : le ticket des papiers !
Et puis un beau jour, en fait non, on r’trouve pas ton dossier.
Faut pas t’inquiéter, ils vont t’enfoncer : t’as pas rendu ton dossier !
Toi tu sais que si mais tu te tais.
Et puis passe les journées, les journées, les journées…
Un jour gai tu verras, ils vont le retrouver.
Et sans jamais s’excuser ils t’offriront les papiers…
Les papiers ! Les papiers pour 3 mois !
Mais dans 3 mois tu r’mets ça et c’est comme ça pour 3 ans.
Bon après c’est dix ans… « 

Il est 6 heures, ils sont soixante.
Bobby somnole sur la dalle des que dalle.
Il fait la queue en préfecture, pré-facture, pré-fracture.
C’est le pré-méfait d’un préfet parfait qui choisit les immigrés de l’état français.
Blacks, beurs, asiates, gitans, ti’ blancs, pakos, portos,
C’est une foule multi-complexe, multi-confess’, multi-pliée
sous le joug d’une société qui s’en repait à satiété.

Il est 7 heures, Bobby-magine.
Il rêve d’ailleurs et d’ailleurs… il rêve.
Rêve une histoire, un peu d’espoir ou un travail au noir…
Autour de lui tous les perdus arpentent à pas perdus.
Dans leurs yeux le passé sans avenir.
L’angoisse des papiers à venir.
C’est le Peuple des passeurs pas sûrs et des bateaux qui prennent l’eau
Qui pour l’espoir d’un dollar ou le mirage d’un mariage,
Fuit la guerre, la misère, les tortures d’une dictature, une famille qui part en vrille…

Il est 8 heures, la foule déboule.
Et les pigeons volent sur les pigeonnés du pigeonnier.
Bobby joue des coudes.
Les resquilleurs discrets se glissent et les plus gonflés s’incrustent
Le premier arrivé vend sa place au dernier.
Pour les autres, c’est la relève bien organisée.
Sauf pour Bobby-zolé qui s’ankylose…

 » Sans papier ni frontière, il faudra bien y venir,
Pour arrêter la guerre, pour éviter le pire.
Sans papier ni frontière c’est un bel avenir. « 

9 heures du mat ouvre la porte
C’est la ruée au pigeonnier.
La tension monte. La queue éclate.
Attention branque qui braque l’attention :
« Vous les aurez vos papiers ! Regardez ! Vous êtes déjà tous français !
Vous vous battez comme des coqs sur votre tas de fumier ! « 
C’est la huée dans la nuée…

10 heures tu craques : Maïs grillé ou bien Café pakistanais ?
Bobby s’résigne.
Trois pièces en poche y pense patience.
Quand t’as pas ton pique-nique en poche,
Tu tombes à pic, on nique ta place.

11 heures tu raques : café-maïs,
Bobby approche.
Ca y est ! Il va enfin franchir le porche du pigeonnier !
Plus qu’un chinois et c’est son tour !
Derrière lui la queue frise l’overdose.
Mais c’est la pause des fonctionnaires.
Et toute la troupe s’assied par terre.
Bobby trépigne : y faut qu’y pisse !
Comment laisser sa place ? Non. J’ai pas confiance.

Il est midi.
500 corps cuits ont la dalle
Sur la dalle de Bobigny.
Les enfants crient.
Les pigeons planent autour en vautour.
Bobby-poglycémie troquerait bien sa place contre un riz-sauce…
Et le préfet contre un mafé.

A 14 heures, instant de bonheur.
Bobby entre dans l’antre.
Gris poisseux jaune pisseux
Ambiance néon et pigeon
A la Mairie de Neuilly, les pigeons restent là sur le parvis
Et à Venise aussi.
Mais pas à Bobigny.
Le pigeon suit le pigeonné
De l’extérieur à l’intérieur
Il y dépose sa fiente immonde
Mais on s’en fout, c’est le tiers-monde.

 

 
 

 » Sans papier ni frontière, il faudra bien y venir,
Pour arrêter la guerre, pour éviter le pire.
Sans papier ni frontière c’est un bel avenir. « 

15 heures un mec est arrêté : il avait pas ses papiers.
Le piège assure en préfecture
Les temps sont durs sur le beau bitume de la Bouygues bidouille.
La dalle des que dalle, ça cimente un moral… en béton !

A 16 heures Bobby bloque enfin sur le bureau bic à la main.
La secrétaire prend l’air sévère :  » Une signature ! Dans l’carré vert et sans rature ! « 
Bobby-magine la horde qui l’aborde s’il déborde :  » Tu reprends tout dans l’ordre ! « 
D’abord une journée pour te renseigner,
Et puis une journée pour prendre un ticket.
Et puis une journée pour prendre un dossier.
Et puis une journée pour rendre un dossier…
Et si tu te maries c’est aussitôt reparti :
Pour le meilleur et pour le pire, tous tes papiers expirent.
Et hop.
5h00 du mat’, 300 corps mats en vrac sur la dalle des que dalle.

Il est 5 heures et le préfet s’endort…
Bobby-mobile mate le vide qui s’affale
sur la dalle des que dalle…

Sans papier ni frontière, il faudra bien y venir,
Pour arrêter la guerre, pour éviter le pire.
Sans papier ni frontière c’est un bel avenir.

L’AMOUR EN NOIR ET BLANC

L’amour en noir et blanc
Un amour éprouvé
Où prouver son amour.
L’amour en noir et blanc
Un drapeau blanc pour traverser
Un drapeau noir pour supporter
Au défi des papiers
Au mépris des préjugés

On laboure ton histoire, juste pour voir, pour savoir, pour te croire.
On te tord, on te tire, on t’étire, pour que tu te retires. On t’attire à mentir…

Oui, mon mariage est blanc.
Blanc comme un amour innocent,
Comme le lait nourricier,
Comme une robe de mariée,
Blanc comme l’espoir quand il n’est pas noir.
Mais de quelle blancheur faut-il toujours se blanchir ?

L’amour en noir et blanc
C’est pas la vie en rose
La peur bleue des aigris
Le rire jaune des plus verts
L’amour en noir et blanc
C’est au préfet d’en douter.
Laisse-le fourrer son nez
Dans ton courrier, dans ton café, dans ton pucier, dans son bustier…
L’amour en noir et blanc
C’est un cauchemar pour l’occident
Qui dit bâtard à ses enfants

Oui, mon mariage est blanc.
Blanc comme un amour innocent,
Comme le lait nourricier,
Comme une robe de mariée,
Blanc comme l’espoir quand il n’est pas noir.
Mais de quelle blancheur faut-il toujours se blanchir ?

Dans l’amour en noir et blanc
Le contraste est saisissant
C’est un miroir troublant
Un amour rare et grand
L’étendard éternel des enfants arc-en-ciel

Oui, mon mariage est blanc.
Blanc comme un amour innocent,
Comme le lait nourricier,
Comme une robe de mariée,
Blanc comme l’espoir quand il n’est pas noir.
Mais de quelle blancheur faut-il toujours se blanchir ?

Autres textes :

 
 

Complainte du Chevalier d’Ormont,
Dom Quichotte Immortel

Traversant plaines et marais,
Montagnes et forêts,
Le chevalier d’Ormont
Cherche le Dragon.

Sa quête a débuté
Il y a déjà cinq cents étés.
Mais d’Ormont est entêté,
Intrépide, infatigable.

Malgré son grand âge,
D’Ormont l’immortel
Ne baissera pas les bras.

De Marignan à Diên Bien Phu pourtant,
Les avis sont unanimes :
Saint Michel s’est acquitté de la quête
Cela fait déjà quelques siècles.

Ne pouvant renier le sens de sa vie,
Notre preux chevalier s’en est persuadé :
Saints, Diables, Anges et Démons,
Ne sont que fruits d’imagination.

Machiavélique machination.
Incroyable fomentassions,
Dont le coupable est le Dragon.

Pour être au calme en sa tanière,
Monsieur Dragon
Meurt… par la rumeur.

Ce monstre sans pitié,
Cet être forcené,
Maître du Mal et du Monde,
Doit crever.

D’Ormont notre sauveur,
Traque, chasse, piste
Ce Malheur.

Armé de son cimeterre
Et vêtu de fer,
Il erre sur Terre.

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